jeudi 16 juin 2011

L'amitié proustienne

"Dans philosophie, il y a "ami". Il est important que Proust adresse la même critique à la philosophie et à l'amitié. Les amis sont, l'un par rapport à l'autre, comme des esprits de bonne volonté qui s'accordent sur la signification des choses et des mots: ils communiquent sous l'effet d'une bonne volonté commune. La philosophie est comme l'expression d'un Esprit universel qui s'accorde avec soi pour déterminer des significations explicites et communicables. La critique de Proust touche à l'essentiel: les vérités restent arbitraires et abstraites, tant qu'elles se fondent sur la bonne volonté de penser. Seul le conventionnel est explicite. C'est que la philosophie, comme l'amitié, ignore les zones obscures où s'élaborent les forces effectives qui agissent sur la pensée, les déterminations qui nous forcent à penser. Il n'a jamais suffi d'une bonne volonté, ni d'une méthode élaborée, pour apprendre à penser; il ne suffit pas d'un ami pour s'approcher du vrai. Les esprits ne se communiquent entre eux que le conventionnel; l'esprit n'engendre que le possible. Aux vérités de de la philosophie, il manque la nécessité, et la griffe de la nécessité. En fait, la vérité de se livre pas, elle se trahit; elle ne se communique pas, elle s'interprète; elle n'est pas voulue, elle est involontaire."

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