samedi 9 juillet 2011

La Belgique est morte, achevons-la

08.07.2011 | Courrier international

 Le rejet des propositions d'Elio Di Rupo par Bart De Wever, le président du parti nationaliste flamand N-VA,  brise l'espoir de réussir à former un gouvernement. Côté flamand comme côté wallon, dépit et colère s'affichent.

"La fin de la Belgique ? Ce à quoi nous sommes confrontés est en réalité une profonde crise du régime belge. Le plus grand parti de Flandre et le plus grand parti de Wallonie ne peuvent plus se mettre d'accord après plus d'un an de négociation. Ils ont des points de vue diamétralement opposés tant sur les réformes institutionnelles que sur des sujets économiques ou sociétaux. On ne voit pas comment on pourra changer quoi que ce soit avec ou sans élections. D'où la question ultime à poser : combien de temps pouvons-nous encore maintenir cette situation ? Si les frontières d'un accord sont à ce point introuvables, ne faut-il pas réfléchir à un nouveau modèle totalement différent ?" se demande le quotidien conservateur anversois Gazet van Antwerpen. "Scinder la Belgique est trop risqué et trop compliqué", répond le politologue anversois Dave Sinardet dans le même journal. "La seule manière de scinder un pays passe aussi par des négociations et sur la délicate question du partage de la succession. Cette discussion est cent fois plus dure que les négociations actuelles. Si nos politiques commencent à parler de ce sujet, je crains que la situation ne devienne encore plus désespérée qu'aujourd'hui. Il ne faut pas oublier qu'il n'existe pas de majorité en Flandre favorable à une scission du pays", conclut-il. 
Du côté francophone, l'éditorialiste du Soir, Béatrice Delvaux, ne cache pas sa colère vis-à-vis du président de la N-VA : "Ceci n'est plus un pays. La Belgique n'a plus de sens. La Belgique ne vaut pas la peine. La Belgique n'est plus un pays à gérer, à reconstruire, à faire évoluer. C'est un projet mort qu'il faut achever en faisant la place à une vision univoque, flamande. Vous n'aviez pas compris ? Eh bien, depuis hier [le jeudi 7 juillet] à 14 heures, c'est clair. M. De Wever nous l'a dit, l'a dit aux citoyens belges, l'a dit en fait à la terre entière – agences de notation comprises. On savait qu'il le pensait, on savait qu'il le voulait. Le seul problème aujourd'hui est qu'il ne joue pas encore cartes sur table. Et qu'il se cache derrière la critique systématique, et à la sulfateuse, de la note Di Rupo pour forcer le chemin vers cette fameuse Flandre indépendante ou, version hypocrite, de cette Belgique qui a l'apparence d'un pays mais plus le contenu. On exagère ? On dramatise ? On est de mauvaise foi ? Non."


Voulons-nous encore savoir si c'est possible de faire pire ?" s'interroge pour sa part Liesbeth Van Impe dans Het Nieuwsblad. "De Wever n'a pas épargné sa critique, il n'a laissé aucune ouverture, pas de baume dans l'âme. Il a montré à Di Rupo, avec tout le respect bien sûr, un doigt d'honneur", estime l'éditorialiste du quotidien populaire. "Bien sûr qu'il reste d'autres options, il peut toujours y avoir d'autres personnes désignées qui seront chargées d'écrire de nouvelles notes [pour former un gouvernement et réformer le pays] et qui seront rejetées par de nouveaux communiqués. Mais, après treize mois de négociations, tout le monde se demande jusqu'à quand tout cela peut durer, à moins que la véritable raison de l'affaire consiste à fournir un alibi au gouvernement en affaires courantes pour qu'il s'accroche jusqu'en 2014. Il y a beaucoup d'arguments contre des élections anticipées, comme celui qui consiste à dire que cela ne changera rien à la situation si les cartes sont distribuées de la même manière qu'aujourd'hui. En outre, cela menace de braquer l'attention des spéculateurs et des vautours sur la Belgique. Mais à moins que quelqu'un invente d'urgence quelque chose de mieux, on se dirige tout droit vers des élections en septembre ou en octobre prochain." 

Pour l'éditorialiste du Nieuwsblad, il est de plus en plus clair qu'il n'y aura pas de gouvernement entre les nationalistes flamands de la N-VA et les socialistes francophones du Parti socialiste (PS) et que la clé de la crise se trouve entre les mains du parti flamand chrétien-démocrate CD & V, qui n'ose pas s'en servir.  Pourquoi ? "Pour former un gouvernement, il suffit d'avoir une majorité simple [des sièges au Parlement] et pour des réformes institutionnelles [amender la Constitution], il faut une majorité des deux tiers. Nous avons toujours dit que les gagnants des dernières élections [N-VA et PS] doivent prendre leurs responsabilités, mais si l'un des deux refuse de manière claire et nette de le faire, nous devons alors rapidement former un gouvernement avec les huit autres partis qui sont prêts à prendre leurs responsabilités", résume Caroline Gennez, la présidente des socialistes flamands dans le quotidien progressiste De Morgen. La Chambre des représentants de Belgique compte un total de 150 députés, il faut donc au moins 76 députés pour former un gouvernement et une majorité des deux tiers (100) pour réformer la Constitution. Elio Di Rupo négocie actuellement avec 9 partis (les socialistes PS et SP.A, les libéraux MR et Open-VLD, les centristes CDH et CD & V, les écologistes Ecolo et Groen et les nationalistes flamands N-VA) de la formation d'un gouvernement qui pourrait s'appuyer sur une confortable majorité de 136 sièges. Le formateur peut se passer des nationalistes flamands de la N-VA (27 sièges) mais pas des chrétiens-démocrates flamands du CD & V (17 sièges) au risque de perdre sa capacité à réformer l'Etat. De leur côté, les chrétiens-démocrates refusent d'entrer dans un gouvernement sans les nationalistes de la N-VA de peur d'être complètement décimés lors du prochain scrutin électoral. 

"Former une coalition sans les deux plus grands partis flamands au Parlement est particulièrement difficile", confirme Bart Haeck, éditorialiste au quotidien économique De Tijd. "Les partis n'ont rien fait de leur victoire électorale du 13 juin 2010. Le pays n'est pas réformé. Le retard pris sur les pays voisins et le reste de l'Europe de l'Ouest est douloureux. Et rien n'indique que cette situation va changer. L'idée d'organiser de nouvelles élections s'impose. Mais cela peut-il changer quelque chose ? La réponse est que les élections restent la seule issue qu'on n'a pas encore essayée dans cette crise, tout le reste a été tenté. Le défi est clair : les partis politiques doivent demander un mandat aux électeurs en leur présentant la manière dont ils comptent épargner 17 milliards d'euros et leur façon de réformer les structures étatiques pour y arriver. C'est la seule solution."

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