samedi 24 septembre 2011

Congédiée pour avoir dépassé les "limites"

LE MONDE DES LIVRES | 15.09.11 | 11h57

Les responsables de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), à Fontenay-sous-Bois, ont du mal avec le roman. Avec celui de Shumona Sinha, du moins : il se présente "comme une autofiction", estiment-ils, dans la lettre de récusation, adressée, le 2 septembre, au cabinet d'interprètes de la région parisienne qui emploie la romancière indienne.

Celle-ci se dit "surprise et déçue" de cette réaction. "Je ne pense pas que ce soit une juste lecture de mon roman. Faire de mon livre une autofiction ou un reportage sur leur institution est absurde", commente-t-elle.

Que l'Ofpra, pas plus que les demandeurs d'asile, ne soient cités nommément dans le texte, ne change rien à l'affaire, ont tranché les fonctionnaires : "La précision des descriptions (...) ne laisse aucun doute sur l'identité des organismes décrits" et la "confidentialité" censée protéger les entretiens est bafouée, puisque "exemples et extraits de récits des demandeurs d'asile occupent (...) une place de choix" dans le livre. Pire, expliquent-ils, mettant dans le même sac la narratrice et l'auteur : "Shumona Sinha exprime le mépris et la répulsion que lui inspirent les demandeurs d'asile, ce qui, déplorent-ils, convient particulièrement mal, dans une institution qui s'efforce de les traiter avec respect et dignité". Evoquant l'attirance de la narratrice d'Assommons les pauvres ! pour la belle Lucia, l'un des personnages importants du roman, les dirigeants de l'Ofpra n'hésitent pas à reprocher à l'auteur d'avoir décrit "une relation érotique fantasmée avec un officier de protection féminin, ce qui a été fort mal reçu" - pourquoi ce "féminin" et qui a "mal reçu" la chose ? Mystère...

"Limites à ne pas dépasser"

"Loin d'informer préalablement l'Office de son projet d'écriture, ce qui aurait permis de définir les limites à ne pas dépasser", concluent les fonctionnaires de Fontenay-sous-Bois, Shumona Sinha est passée outre et a "mis l'administration devant le fait accompli". Beaucoup s'en féliciteront : les jurys des prix Renaudot et Médicis ont, pour leur part, retenu le roman de Shumona Sinha dans leur première sélection.
 
Catherine Simon

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