samedi 24 septembre 2011

Sortir de la déroute morale du sarkozysme

LEMONDE 

Je ne suis pas un militant politique, je n'ai aucune carte de parti et je n'ai jamais pris publiquement position dans une campagne électorale. J'ai une sensibilité de centre gauche qui m'a incité à voter François Bayrou et Ségolène Royal en 2007, et je garde toujours une liberté au-delà du clivage classique droite-gauche, en fonction de la personnalité des candidats et des enjeux de l'élection.

Si aujourd'hui je prends publiquement position pour un candidat, c'est parce que je suis convaincu que les enjeux sont d'une gravité exceptionnelle et que je ne vois qu'un seul candidat susceptible de les relever : François Hollande.

Parmi les nombreux défis pour la France dans les années à venir, trois me semblent particulièrement décisifs : la crise économique, financière et budgétaire, en grande partie liée à la conjoncture internationale ; la crise sociale qui découle d'une paupérisation accrue d'une partie importante de la population et d'un accroissement des inégalités ; la crise du politique au sens noble, consécutive à une perte du sens de l'intérêt collectif et du bien commun.

Le premier défi exige rigueur budgétaire et volontarisme politique pour mieux encadrer les dérives financières. Le second impose un effort de meilleure répartition des richesses, à travers notamment une réforme fiscale profonde et juste. Le dernier passe par un retour de la confiance des Français dans leurs dirigeants, qui doivent donner l'exemple d'une éthique forte et non partisane.
Le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy est mitigé sur les questions économiques. Même si elle a été mal négociée, il faut mettre à son actif une première et nécessaire réforme du système des retraites que la gauche n'a jamais eu le courage d'entreprendre. Après avoir laissé courir l'endettement, il vient de faire marche arrière et se pose désormais en champion de la rigueur budgétaire.

Il est toutefois regrettable qu'aucun effort significatif n'ait été fait pour encadrer les dérives de la spéculation financière. Le bilan du président est en revanche désastreux sur les deux points suivants. Malgré de nombreuses promesses et des déclarations fracassantes, les inégalités n'ont cessé de croître et sa politique n'a surtout visé qu'à protéger les plus riches.
Mais c'est sur le dernier point que je serais le plus critique : jamais un président n'a autant mis à mal la morale publique, l'équité des institutions, la noblesse de la politique. Nicolas Sarkozy s'est comporté en chef de clan et non en président de tous les Français ; il a méprisé le pouvoir judiciaire .
Dès les premiers jours de son quinquennat, il a montré une fascination indécente pour l'argent et le clinquant, tout en expliquant aux Français qu'ils devaient faire des efforts en vue du bien commun. Il a instrumentalisé les peurs - notamment celles des étrangers et de l'islam - pour servir de bas calculs électoraux, fragilisant davantage la cohésion nationale etc.

Bref, il a grandement contribué à cette perte de confiance des Français envers leurs dirigeants et à la crise du politique. Or, comme le rappelait déjà Confucius il y a 2 500 ans, les dirigeants ne peuvent demander au peuple d'être juste et vertueux s'ils n'en donnent eux-mêmes l'exemple.

Si Nicolas Sarkozy a perdu toute crédibilité pour répondre aux grands défis qui nous attendent, que penser des principaux autres candidats à l'élection présidentielle de 2012 ? François Bayrou a toujours prôné rigueur budgétaire, justice sociale et moralité publique, mais son attitude trop solitaire et son refus d'alliance claire ne lui permettra sans doute jamais d'être élu.

Jean-Louis Borloo a un discours assez proche, mais a été trop longtemps au sein du gouvernement pour être crédible comme véritable acteur de rupture avec le sarkozysme. Ségolène Royal est trop imprévisible et nul n'a envie de voir se reproduire le scénario de la présidentielle de 2007.
Martine Aubry a de nombreux atouts, notamment sur le plan social et moral, mais elle semble trop liée à la gauche de la gauche pour pouvoir être la présidente de tous les Français et appliquer une politique économique réaliste.

J'ai lu avec attention, depuis six mois, les discours et les projets de François Hollande, homme dont j'ai par ailleurs toujours apprécié les qualités humaines. Lui seul me semble, aujourd'hui, capable d'allier responsabilité, générosité, droiture, et de susciter un large rassemblement des Français en vue d'un nouvel élan, qui demandera à tous, dans le contexte très difficile que nous vivons, foi en l'avenir, confiance dans ses dirigeants et souci du bien commun. 

François Hollande n'est pas un homme providentiel, mais tout simplement l'homme de la situation, et c'est déjà beaucoup.

Frédéric Lenoir, philosophe et écrivain, producteur à France Culture

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