dimanche 2 octobre 2011

Obama s'attaque au chômage, les républicains s'attaquent à Obama

Paul Krugman, The New York Times,  09/09/2011.

Commençons par le commencement : j'ai été agréablement surpris par le nouveau plan pour l'emploi d'Obama, nettement plus audacieux et mieux pensé que je ne l'aurais cru. Il n'a certes pas l'audace du plan que je souhaiterais dans un monde idéal. Mais s'il est effectivement adopté, il devrait porter un sérieux coup au chômage.

Naturellement, il y a peu de chances qu'il soit adopté, étant donné l'opposition des républicains. Et il y a peu de chances que quelque chose soit fait pour aider les 14 millions d'Américains sans emploi. Ce qui est à la fois une tragédie et un scandale.
Le plan Obama prévoit 200 milliards de dollars de dépenses nouvelles (qui financeront en majorité des choses dont nous avons besoin, comme des écoles rénovées, des réseaux de transports, ou moins de suppressions de postes dans l'enseignement), et 240 milliards d'allégements fiscaux. Des sommes impressionnantes à première vue, mais qui en réalité ne le sont pas. Les effets persistants de la crise, depuis l'éclatement de la bulle immobilière et l'endettement excessif des ménages qui a suivi, créent chaque année un manque à gagner de quelque 1 000 milliards de dollars pour l'économie américaine ; or le plan Obama, qui ne portera pas tous ses fruits dès la première année, ne ferait que combler partiellement ce manque. Il est difficile de savoir, en particulier, si les baisses d'impôt stimuleront véritablement la consommation.
Pourtant, ce plan serait nettement mieux que rien, et certaines de ses mesures, dont l'objectif est précisément d'inciter à l'embauche, pourraient se révéler proportionnellement très bénéfiques au marché de l'emploi. Comme je l'ai dit, il est bien plus audacieux et mieux pensé que je ne m'y attendais. Il est évident que Barack Obama a parfaitement saisi l'ampleur du désastre sur le terrain de l'emploi.
Reste que son plan n'a guère de chance d'être adopté, en raison de l'opposition des républicains. Il faut souligner à quel point cette opposition s'est durcie au fil du temps, alors même que la détresse des chômeurs s'aggravait.
Début 2009, tandis que le nouveau gouvernement Obama essayait de faire face à la crise dont il avait hérité, les critiques venues de la droite s'axaient principalement autour de deux grandes lignes. Primo, les conservateurs estimaient qu'il fallait davantage recourir à la politique monétaire qu'à la politique budgétaire - autrement dit, que la lutte contre le chômage devait être laissée à la Réserve fédérale [en faisant marcher la planche à billets]. Secundo, les mesures budgétaires, selon eux, devaient plutôt prendre la forme d'allégements fiscaux que de programmes exceptionnels de dépenses.
Aujourd'hui en revanche, les républicains les plus en vue s'opposent aux allégements fiscaux, en tout cas s'ils profitent aux travailleurs américains plutôt qu'aux riches et aux entreprises.
Et ils s'opposent également aux mesures de politique monétaire. Lors du débat entre candidats républicains organisé le 7 septembre, Mitt Romney a déclaré que s'il était élu, il chercherait un successeur à Ben Bernanke, le président de la Fed, au motif notamment que ce dernier s'était efforcé de faire quelque chose (mais de façon insuffisante) contre le chômage. Et cela fait de Romney un modéré selon les critères républicains, puisque Rick Perry, son principal rival à l'investiture, a estimé quant à lui que Ben Bernanke méritait une "sacrée correction".
Autant dire qu'aujourd'hui, les républicains sont grosso modo opposés à tout ce qui pourrait venir en aide aux chômeurs. Mitt Romney a certes produit un "plan pour l'emploi" fort léché et ronflant, mais il ressemble plus à une liste de 59 points en forme de coquille vide - sans absolument rien, en tout état de cause, qui puisse justifier l'affirmation quasi mégalomaniaque selon laquelle il créerait pas moins de 11 millions d'emplois en quatre ans.
La bonne nouvelle, en somme, c'est qu'en se montrant plus audacieux qu'on ne s'y attendait, Barack Obama a sans doute créé un terrain favorable à un débat politique sur la création d'emplois. Mais au bout du compte, rien ne sera fait tant que les Américains n'exigeront pas que des mesures soient prises.

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